Voilà plusieurs mois, je vous faisais déjà part de ma perplexité quant aux réalités du monde du travail. Force est de constater qu'aujourd'hui, toutes mes questions existentielles d'alors n'ont toujours pas trouvé de réponses. Satisfaisantes, j'entends.
Ce sujet là (Qui suis-je ? Où vais-je ? Pourquoi je me lève chaque matin pour partir au turbin ? En quoi ce que je fais a-t-il un sens ? Etc) revient assez fréquemment dans les conversations que je peux avoir avec mes amis.
Pas tellement en famille, j'avoue. Tout le monde s'empresserait de crier à l'hérésie : Quoi, mais t'as déjà du boulot alors qu'est-ce que tu pleurniches ? Tu penses pas à démissionner pour aller faire de la menuiserie (non pas que cela soit dégradant, juste rien à voir avec ce que je fais, sachant qu'en plus, je ne sais rien faire de mes dix doigts) ? Et comment tu vas faire pour vivre si t'as plus un rond ?
Je ne les blâme pas, je me doute que balancer comme ça, brut de décoffrage, cela peut paraitre effrayant (Maman, si tu me lis, je ne démissionnerai pas sur un coup de tête, promis, je réfléchis juste. Je répète : JE NE FAIS QUE REFLECHIR).
N'empêche que ça me travaille tout ça. N'ayant pas fait d'études en vue d'exercer un métier qui me passionnerait depuis ma tendre enfance (du genre médecin, avocat, pilote de chasse, pompier, assistante sociale, ...) mais qui me permettrait de croûter avec un salaire décent, je me rends compte que me voilà revenue aux temps de mes dix-huit ans.
Remarquez, ça me file un coup de jeune, c'est déjà pas si mal. Je suis revenue aux temps de ma jeunesse sauf que là, plus de conseiller d'orientation ou de prof pour m'aiguiller vers telle ou telle carrière. Que dalle. Nada.
Je suis donc seule face à mes doutes et mes questions. Enfin pas si seule que ça quand je vois le nombre de personnes autour de moi qui sont sujettes à ces mêmes crises existentielles. Peu importe leur salaire, leur niveau de responsabilité, leur domaine d'activité, voire même leur âge. Le XXIème siècle est définitivement celui du doute.
Première explication à ce désenchantement, pendant mes études, on m'a appris à être Bill Gates (je caricature un poil) saut qu'en fait, personne ne m'avait dit que j'allais devenir un sous-fifre dans le service de Guillaume Porte ... C'est bien beau d'avoir été formée à la stratégie d'entreprise, à la finance, à la gestion des RH, ... mais quand on est jeune diplomé, on siège rarement dans un Conseil d'Administration.
La seconde cause est plus insidieuse, moins flagrante au premier abord. Une sorte de douche écossaise à retardement. Après quelques années d'expérience, surtout dans le contexte économique actuel (bien pourrave, vous en conviendrez), force est de reconnaitre que l'investissement, la conscience professionnelle, ... ne sont pas toujours recompensés à leur juste valeur.
Finies les années bénies où il suffisait de bien bosser pour avoir de bonnes notes et des appréciations élogieuses de la part des profs. Tout était simple à l'époque. Mais aujourd'hui, tout ne dépend pas de nous. Et ça, c'est parfois difficile à accepter. Quand bien même vous seriez la perle rare, point de scrupule à vous débarquer si des raisons de rentabilité économique ou de politique interne l'exigent.
J'ai en mémoire la réflexion qu'avait faite un cabinet, chargé de suppléer les carences de Pôle Emploi, à une des mes anciennes collègues : "Lâchez du leste avec le boulot, bossez bien mais ne surinvestissez pas la valeur travail. Vous n'avez pas idée du nombre de femmes, arrivées à la quarantaine, qui ont tout sacrifié pour leur carrière : mari, enfants, ... et qui se retrouvent sans rien du jour au lendemain à cause d'un licenciement économique."
Pas plus tard que vendredi, j'ai eu un ami d'école au téléphone. Cela faisait très longtemps qu'on ne s'était pas parlé et la dernière fois, il était déjà à cran. Horaires à rallonge, pression pas possible, boulot de deux personnes à faire, relation tendue avec la hiérarchie qui exige toujours plus, sans se soucier du turn-over qui frise les 40%. Bien sûr, son salaire va de pair avec ce lot d'emmerdes. Toujours est-il qu'il a basculé dans la dépression (quelques semaines, pas plus fort heureusement), part toujours avec une petite boule au ventre le matin, ne voit que très peu la personne qui partage sa vie (il a terminé à des 3-4h du matin la semaine dernière), ... Tout ça pourquoi au final ? Pour faire économiser quelques sous d'impôts à ces clients qui payent l'ISF ... Tout en se cognant des réunions téléphoniques d'une heure, dans sa voiture, qu'il a calé pendant les quatre heures de route qui le séparent de son client.
Ca laisse songeur.
Peut-être n'est-ce là que pensées d'enfant gâtée. Que si je me retrouvais vraiment sans travail, du jour au lendemain, avec une famille à charge, je ne me poserais pas toutes ces questions idiotes et je n'aurais qu'un but : trouver un boulot, n'importe lequel pourvu qu'il paye le loyer et les factures.
Mais j'ose croire qu'un jour, je trouverai enfin ma voie ou au moins un boulot qui vaille vraiment la peine d'être fait. Et qui fera de lui-même cesser toutes ces interrogations dans ma tête. Pour cela, il va me falloir encore méditer, méditer et encore méditer. Voire sûrement oser, quitte à surprendre. Et ne surtout pas avoir peur de me planter.
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