Je continue sur ma lancée de critique littéraire spécialisée dans le genre "everything except novels" (je sais, y a comme du résidu de révision TOEICesque).
Et comme je vous l'annonçais en quasi fanfare l'autre jour, c'est-à-dire hier, je vous livre ici mes impressions sur Le Quai de Ouistreham de Florence Aubenas.
Le pitch du livre est de vous plonger au coeur de la crise au quotidien, c'est-à-dire directement au contact de ceux qui la vivent. Et plus particulièrement ceux qui sont le plus durement frappés par ce tourbillon, les travailleurs précaires.
Pour cela, Florence Aubenas s'est glissée dans la peau de l'un d'eux. Ex-otage en Irak mais surtout grand reporter et journaliste de talent, elle a opté pour un parti pris audacieux, à savoir constater de ses propres yeux et vivre au quotidien les galères inhérentes à la recherche d'emploi quand on est dans le "fond de la casserole" plutôt que dans le haut du panier (comme elle se l'est entendu dire).
Elle a donc mis sa carrière de journaliste entre parenthèses pendant un an, pour partir s'installer à Caen et y chercher un CDI. Sa démarche était de raconter ses tribulations pour y parvenir, se doutant que ce ne serait pas chose aisée.
Pour corser le tout, elle a volontiers opté pour un profil peu facile à caser pour le Pôle Emploi : Femme, 48 ans, Bac, n'ayant pas travaillé depuis 20 ans (car vivant à la charge de son compagnon qui vient de la quitter) et cherchant n'importe quel emploi.
Et contrairement à ce que l'on peut croire, il ne suffit pas d'être motivé et prêt à prendre n'importe quel boulot pour s'en voir proposer un. Que neni ! Florence Aubenas va en faire l'amère expérience. Même si l'on ne convoite qu'un remplacement de quelques heures par jour comme femme de ménage, il va vous falloir bien autre chose : une formation, de l'expérience et surtout une voiture, chose qui n'est pas à la portée de tous, question de sous et/ou de permis.
Son insertion dans cette ville moyenne française est une vraie réussite. La sauce prend, malgré sa notoriété qui n'effleure quasiment personne au cours de ses recherches (grâce à la teinture blonde et aux lunettes ?).
Je n'en dirai pas plus, histoire de garder un voile de mystère.
Toujours est-il que ce livre est un petit bijou. Qui se rapproche plus du diamand noir que de l'éméraude étincellante, je vous l'accorde mais tout de même.
Si vous n'êtes pas familiés de la réalité des emplois précaires (comme c'est mon cas), une grande claque vous attend. Ceci dit, de belles rencontres et des liens d'amitié solides aussi, preuve que tout n'est pas foutu et qu'il peut y avoir encore de la solidarité à l'heure de l'individualisme crasse.
Chose que j'avais déjà remarqué à la lecture de La Méprise (sur l'affaire d'Outreau), c'est que Florence Aubenas parvient très bien à saisir le quotidien des "petites gens", de la France qui souffre et qui bataille sec pour s'en sortir.
Sans pour autant tomber dans le misérabilisme, qui attend parfois au tournant les journalistes parisiano-parisiens qui se retrouvent catapulter dans un ville lambda de province. Le style est épuré, efficace, tour à tour tragique ou pesant mais aussi joyeux ou plein d'espoir.
Tu donnes envie de le lire. Je connaissais son livre sur "Outreau", mais je n'avais pas entendu parler de celui-ci. Ça me dit bien.
Rédigé par : Elosyia | lundi 03 octobre 2011 à 15h44
Franchement, ça ouvre les yeux sur pas mal de choses pas rigolotes mais sans verser dans la caricature ou dans le style Germinal.
Et pis, c'est très simple à lire et assez court !
Rédigé par : Marie Mail Tout | lundi 03 octobre 2011 à 16h01
Contente que çà t'aies plu...
je suis toujours abasourdie (et profondement dégoutée aussi...) quand je lis les aberrations de fonctionnement du Pôle emploi, ils marchent vraiment la tête à l'envers, c'est effrayant !
Bon tu n'oublieras pas de me le rendre cette fois hein, pas comme The Reader.....
Rédigé par : La Moule au teint gris | mardi 04 octobre 2011 à 09h39
Je croise profondément les doigts pour ne pas tomber sur un conseiller(e) décérébré(e) si jamais je devais passer par la case Pôle Emploi !
T'inquiètes, il est au chaud au fond de mon sac à main, pour ne pas l'oublier !!
Rédigé par : Marie Mail Tout | mardi 04 octobre 2011 à 09h57